La confusion (largement entretenue) entre BI et ERP
Depuis plusieurs années, on entend de la part des éditeurs logiciels ERP un discours volontairement très confus autour de la Business Intelligence. En deux mots, les éditeurs de progiciels de gestion entretiennent l’idée que, finalement, la Business Intelligence est un module complémentaire au système d’information sur lequel se fonde l’ERP (ce qui est très largement vrai) et avec quelques euros et paramètres complémentaires ce module peut fonctionner pour faire de l’analyse (ce qui est très largement faux).
Bien entendu, d’un point de vue marketing et de stratégie commerciale, les éditeurs d’ERP ont tout intérêt à garder leur pré carré, et ne pas laisser s’installer des prestataires ou éditeurs complémentaires. Ainsi, la plupart d’entre eux proposent de petits modules « prêt à l’emploi » censés couvrir les besoins en analytique, et plus prosaïquement chargés « d’occuper le terrain ». (nous ne parlons pas ici de SAP qui a acquis Business Objects en 2007 pour compléter très efficacement son offre première)
Malheureusement, les clients d’ERP moins importants que SAP et qui se sont lancés dans l’acquisition de ce type de module complémentaire à bas coût voient très vite les limites des fonctionnalités proposées (et du powerPoint qui a servi de présentation).
En voici les quatre principaux écueils de ce type de projet basé sur un seul module complémentaire :
Confusion fonctionnelle FLUX versus ANALYSE : Un ERP assure la gestion de flux (financiers, commerciaux, matières, etc.). Une Business Intelligence assure la mise à disposition d’outils analytiques visant à l’établissement de KPI pour gérer les objectifs et les tendances de fond. En d’autres termes, les données contenues dans un ERP sont là avant tout pour assurer une logistique d’achats, de ventes, de facturations, d’encaissements, d’en cours, etc. Il est rare que l’ERP contiennent la totalité des items nécessaires à l’analyse. Par exemple, l’ERP facturera « dans le même flux et sur les mêmes tables » des clients type points de vente et des clients type filiales. L’importance pour l’ERP, c’est l’émission de factures et leur suivi jusqu’au paiement/comptabilisation. En analytique, on séparera analytiquement la facturation des filiales/distributeurs et ceux des petits points de vente et on caractérisera ces « nouvelles dimensions » par des attributs de caractérisation très différenciés. Autre exemple, il ne sera pas rare de trouver des ERP pour lesquels les articles sont catégorisés pour les besoins Supply Chain, mais ne répondent pas du tout aux besoins des analyses commerciales. Autre exemple : nos fameuses DOM TOM, parfois gérées en « international », d’autres fois en « pays fictifs globalisés », d’autres fois en département inclus dans les chiffres de la France. Que faire alors ? Ajouter dans l’ERP des couches de paramètres qui n’ont aucun intérêt de flux pour la BI ? Ou alors séparer radicalement les deux mondes ?
Confusion d’architecture en CONTENU et CONTENANT : L’ERP, c’est (entre autres) du contenu centralisé collecté. On puisera dans l’ERP les données de faits et certaines caractérisations propres à l’analytique. La Business Intelligence aura alors un rôle de contenant : fournir aux utilisateurs une structure logicielle, des modules de transformations de données, et des outils suffisamment pratiques pour explorer et analyser rapidement des tonnes d’information. En bref, il ne faut pas confondre l’approvisionnement de données avec l’analyse des données. Les modules BI des éditeurs ERP sont généralement très riches pour ce qui est du CONTENU (et pour cause) et très pauvres pour ce qui est du CONTENANT et de la manière dont peuvent être analysées les données. ERP et BI doivent être considérés comme deux projets différents, deux métiers différents, deux approches différentes. La BI a besoin d’un ERP, mais elle ne doit pas être intégrée à l’ERP.
Limitation analytique de l’ERP à ses propres données : Dans la totalité des projets de Business Intelligence que nous avons gérés, nous avons été amenés à effectuer tout ou grande partie des tâches suivantes :
- Transformer les données pour renforcer la qualité des informations car l’ERP ne fournissait pas des données assez « propres » pour être prêtes à l’analyse
- Ajouter des informations que l’ERP ne gérait pas (codifications particulières liées aux KPI souhaitées, gestion de kits à prendre en compte, budgets ou objectifs complémentaires gérés dans des tableurs Excel, etc.)
- Ajouter de nouvelles sources de données, complémentaires à l’ERP. Il n’est pas rare que l’ERP principal soit complété par un CRM, ou un site web marchant, ou autres. Dans ce cas, le datamart BI sera le seul point d’intersection entre tous ces systèmes d’information
Pour ces trois raisons, il est illusoire de penser qu’en récupérant l’information directement de l’ERP va conduire à une BI efficace. Au contraire, l’analyse directe des informations stockées dans un ERP conduire à plus de tableurs et plus de macros (le RECHERCHEV au secours des analystes à la BI déficiente!), et donc une complexité accrue que les utilisateurs ne peuvent généralement pas gérer.
Confusion technique base de données de l‘ERP versus DATAMART : Très souvent, les solutions complémentaires à l’ERP et vendue sous forme de modules « peu onéreux » sont branchés directement sur la base de donnée. Or nous pensons que la solution de BI NE doit PAS être directement branchée sur la base ERP. Et ce pour trois raisons :
- Les analyses peuvent conduire à des temps de réponse très dégradés (les utilisateurs ne sont pas contrôlés en matière d’analyse), et entraver le bon déroulement des flux gérés par l’ERP
- Les ERP sont généralement purgés de leurs informations, à intervalles réguliers ou lors d’un changement de version ou de constructeur. Dans ce cas, on peut être amener à priver l’utilisateur de données historique non nécessaire à l’ERP mais très utile pour les analyses
- Brancher une BI directement à l’ERP, c’est également se passer de toute la panoplie de possibilité de transformation de données, de consolidation, de correction qui font que les KPI seront pertinentes
En conclusion, ERP et BI sont très différents car leurs objectifs de production et de résultats s’opposent : Gestion des flux dans le premier cas (mais avec une qualité inégale ou parcellaire des données), gestion de l’analytique dans un second cas (et demandes parfois chronophages ou complètement inadaptée à ce que l’ERP peut fournir). Mais ce sont deux mondes très complémentaires dont la gestion de l’intersection est capitale pour la réussite de l’entreprise. Et il faut penser cette intersection en prenant en compte les quatre points cités ci-dessus.
Un véritable projet de BI consiste à optimiser cette intersection, en prévoyant la transformation, la consolidation et l’ajout de données pour livrer aux utilisateurs des KPI efficaces en terme de décision. Et il est parfaitement possible de construire ce type de solution avec un budget très limité.
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